L’envers du futur - janvier 98 - Daniel Ichbiah

Design new look

 

Un effet intéressant de la révolution numérique va être de faire disparaître un grand nombre d’objets du décor. Les premiers appelés à s’effacer sont les récepteurs / émetteurs d’information. Sont concernés : le téléviseur, la chaîne Hi-fi, le téléphone et aussi l’ordinateur sous sa forme actuelle. Tous ces appareils vont être soit miniaturisés ou fondus dans le décor jusqu'à devenir insignifiants.

L’écran mural est le candidat naturel au remplacement d’un grand nombre des équipements actuels. En temps normal, il pourra afficher une ou plusieurs lithographies téléchargées depuis le serveur de son choix et donc renouvelables à volonté. A tout moment, il pourra se transformer en récepteur des innombrables chaînes télévisées ou en terminal de vidéophonie. Il servira également pour les jeux vidéo en réseau, les connexions sur le Web et pour les applications de type familial : consultation d’encyclopédies multimédia, gestion bancaire... Il pourra également permettre la sélection du programme musical radiophonique de son choix, ou encore du disque que l’on désire écouter à un moment donné (éventuellement téléchargé depuis un serveur musical). De petites baffles discrètes intégrées dans le décor restitueront une sonorité digne des meilleurs auditoriums.

La disparition de ces divers appareils va entraîner une véritable redéfinition du design des salons. Présentement, le téléviseur est devenu un point focal formant un bloc compact et imposant. La chaîne hi-fi, le magnétoscope, le lecteur de vidéodisque et  la console de jeux et autres accessoires (Visiopass, décodeur...) forment autant d’objets relativement massifs et imposant une connectique complexe, avec des fils disséminés un peu partout. Si l’on imagine un environnement dépourvu de tous ces éléments, nous obtenons une nouvelle forme de décor faisant la part belle à l’espace. Et puisqu’il faudra bien occuper ce vide relatif, il est vraisemblable que l’on assiste à un développement important de formes uniquement présentes pour le plaisir esthétique : sculptures, moulures, tentures... Nous aurons donc cet étonnant paradoxe ; la civilisation high tech aura fait disparaître ses matériaux technologiques, pour laisser place à un décor essentiellement composé d’éléments issus de l’artisanat.

La grande question concerne le devenir des objets a priori incontournables tels que tables ou fauteuils... La tendance du 21ème siècle semble aller vers les matériaux déformables à volonté, telles des structures formées de cubes intelligents capable de s’agglomérer, de coulisser et de se détacher de façon à produire à la demande tabourets ou chaises. Il est cependant probable qu’un élément telle que la table servant au repas sera toujours là, pour des raisons pratiques, même si elle intégrera des composants lui permettant de se déformer en fonction des occasions : carrée, ronde, rectangulaire, haute, basse...

Lorsque l’on sort du salon, la problématique change radicalement. Des éléments tels que le réfrigérateur, la machine à laver, le lave-vaisselle ou la cuisinière échappent à la logique multimédia. Loin de produire des informations, ces appareils agissent sur des matériaux solides tels que vêtements, assiettes... L’apport de l’informatique se situe donc essentiellement au niveau de l’intelligence des opérations effectuées. Le réfrigérateur pourra ranger automatiquement chaque élément dans le casier favorisant la meilleure conservation possible, signaler que le beurrier est presque vide, etc. Le lave-linge sélectionnera automatiquement le programme et les produits nettoyants adéquats en fonction des tissus et teintures... En revanche, on voit mal comment ces objets pourraient disparaître ou diminuer susbtantiellement en taille.

Globalement, il devrait donc se produire une séparation plus stricte, dans les foyers du futur, entre les pièces dédiées au loisir, et celles dédiées aux travaux ménagers. Les premières verront se volatiliser les objets distribuant de l’information et tout ce qui ressort de la connectique, favorisant un cadre esthétique, à base d’éléments nobles ou naturels. La cuisine, en revanche, apparaîtra comme le lieu high tech par excellence, avec une persistance des matériaux issus de l’industrie.

Toutefois, pour accueillir au mieux les prodiges issus de l’image de synthèse et de l’informatique, il est probable qu’une nouvelle pièce fera son apparition dans un grand nombre d’appartements. Une pièce totalement vide, formée de murs, plafond et planchers blancs  et dédiée à la Réalité Virtuelle intégrale. C’est au sein de ce lieu privilégié qu’il sera possible d’expérimenter toutes sortes de réalités : l’Egypte ancienne, le relief de Vénus, la jungle brésilienne... La pièce la plus informatisée du séjour aura accompli cet étonnant prodige d’avoir fait disparaître tous les objets.

 

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